Comme tout le monde, Magali Guirriec a dû adapter son activité – au contexte de la pandémie, depuis un an. Psychologue du travail, elle s’est spécialisée dans l’accompagnement individuel et collectif, pour mieux vivre les transitions professionnelles et conserver une bonne santé mentale. Salarié-es mais aussi dirigeant-es ont pu être soutenus efficacement.
Pour elle, il faudra du temps pour dépasser cette crise et ses conséquences sur la santé psychologique ….. « le confinement physique – estime-t-elle – a fini par devenir un confinement mental et un combat quotidien, contre la morosité ambiante».
Propos recueillis par Geneviève ROY de Breizh Femmes, premier média féministe en ligne de Bretagne.
Dans quel état d'esprit étiez-vous au début du confinement en 2020 ?
Magali Guirriec - Avant même l'annonce officielle du premier confinement, mon activité s'était beaucoup réduite. En quelques jours seulement, j'avais enregistré plusieurs annulations de formations ou d'événements collectifs. Quand l'annonce a été faite, j'ai ressenti une sorte de soulagement ; j'ai pu mettre des mots sur ce qui se passait et confirmer que le problème ne venait pas de moi. Forcément quand vous venez de créer votre entreprise depuis un an et demi, même si vous êtes à 150%, il vous reste des doutes ; la première semaine j'ai eu un passage à vide assez compliqué. Se retrouver du jour au lendemain sans ressources et dépendante du salaire de son conjoint, ça ne fait pas plaisir ! Comme je sais, que dans des situations de ce type, j'arrive à rebondir, je ne me suis pas trop inquiétée, j'ai fait le choix de ne pas lutter contre cet état d'esprit négatif. L’acceptation était probablement la solution. La semaine suivante, épaulée par des amis et des entrepreneurs proches, j'ai retrouvé toute mon énergie !
Comment avez-vous choisi de transformer cette énergie nouvelle ?
Magali Guirriec - Une amie DRH avec laquelle j'échange souvent m'a rappelé que j'étais psychologue du travail. Ce n'est pas une fonction que j'ai l'habitude de mettre en avant. Et je n'avais pas vraiment envie de profiter de la situation, pour me découvrir soudain une appétence pour la santé des salarié-es alors que je n'avais pas choisi ce champ-là dans mon activité d’entrepreneuse. Néanmoins, elle m'a assuré que parler avec moi lui avait fait du bien et que ma manière d'aborder les problèmes et d’envisager des solutions pourrait aider des managers ou des salarié-es, d'autant plus que j'étais moi-même passée par une phase difficile ! C'est vrai que je suis reconnue par l'ARS - Agence Régionale de Santé - qui peut m'appeler au besoin pour du soutien psychologique et que je suis aussi secouriste du travail depuis mes dix-sept ans ; donc, c'est une question qui tout de même m'a toujours intéressée. Je me suis alors rendue compte que j'étais peut-être passée à côté d'un sujet pour lequel j'avais des compétences et qui pourrait compléter mes autres activités. Non seulement, cette amie DRH m'a fait confiance puisqu'elle m'a confié une écoute psychologique dans son entreprise, mais elle m'a en plus donné l'idée de créer de nouveaux ateliers d'accompagnement un pour des salarié-es ou des demandeurs d'emploi et un autre à destination de managers ou de dirigeant-es.
En quoi consistent ces modules ?
Magali Guirriec - Pour les salarié-es et les demandeur-ses d'emploi, il s'agit d'un temps de trois heures destiné à exprimer sur ce qu'on a ressenti durant cette période d’un an et comprendre les mécanismes psychologiques concernés. Je pense que le confinement physique au fil du temps a fini par être un confinement mental. Beaucoup de gens sont en phase dépressive et ne voient plus le verre à moitié plein, il faut leur redonner espoir, et leur apprendre à se concentrer sur les petites choses de la vie, pour rebondir ! Pour les dirigeant-es et les managers, il va s'agir d'un séminaire plus long pour comprendre ce qui s'est joué sur le plan psychologique et trouver des outils pour travailler sur le « vivre dans l'incertitude », ce qui va quand même être au centre de nos vies tant que nous ne serons pas tous vaccinés. Il faut apprendre à se réorganiser, repenser le travail autrement, utiliser la créativité et l'intelligence collective pour mettre en place à la fois des méthodes de management, plus à l'écoute de l'autre mais aussi du management virtuel puisque certaines fonctions sont appelées à rester à distance.
Quels sont concrètement les risques au retour à l'emploi en post confinement ?
Magali Guirriec - La principale conséquence est la prise de conscience d'un décalage entre le sens qu'on donne à sa vie et le sens réel qu'apporte le travail, du décalage entre les valeurs avancées par l'entreprise et la manière dont s'est vécue cette période d'éloignement. Certaines personnes n'ont eu aucune nouvelle de leur employeur durant les confinements, et peu de management bienveillant à distance. Elles ont ainsi mesuré que face à leur engagement vis-à-vis de leur entreprise il n'y avait aucune réciprocité. Je pense que désormais il y aura une plus grande demande de transparence de la part des salarié-es sur l'état de santé de l'entreprise, sur les attentes en matière de rendus de travail et la prise en compte de la vie personnelle etc.
Comment se vit le télé-travail ?
Magali Guirriec - Dans un premier temps, le télé-travail était rassurant pour tout le monde puisqu'il contribuait à protéger du virus, il a fallu du temps pour apprendre à s'organiser, à maîtriser tous les outils numériques, à ajuster le management ; certaines personnes ont besoin d'un cadre pour travailler. Il a fallu apprendre aussi à ne pas laisser le professionnel déborder sur le personnel, apprendre à se déconnecter pour ne pas avoir la sensation d'être toujours branché sur son entreprise. Pour une partie des salarié-es le retour en entreprise est nécessaire car ils croient en un modèle de travail collectif, de bien vivre ensemble et qu’ils ont compris que la relation humaine est essentielle pour eux dans leur activité professionnelle. Pour d’autres, cette période a été synonyme de perte de rythme, perte de sens voire perte d'identité puisqu'il y a des gens qui n'ont pour seule identité que leur identité professionnelle. D'autres encore, en revanche, ont découvert qu'en étant en télé-travail ils étaient moins stressés, qu'ils pouvaient prendre plus de temps pour eux ou leurs enfants en diminuant les déplacements. Je crois que cette période a remis sur le devant de la scène la sphère personnelle. La génération Y a fait rentrer la dimension personnelle dans la sphère professionnelle surtout par les afterwork et team building...et le confinement en accélérant l'utilisation du télétravail à amplifier ce phénomène pour tous les salariés. Nous avons aussi pris conscience des limites du travail à distance et des outils numériques ! Je crois que le retour à la vie sociale en présentiel risque de remettre à sa juste place d’outil, le digital, y compris pour la génération Z qui a fini par subir la situation, du collège aux grandes écoles !
Comment avez-vous pu ajuster votre activité à cette période ?
Magali Guirriec - J'ai poursuivi mes accompagnements notamment avec des personnes en recherche d'emploi ou en création d'entreprise. Ce n’est pas toujours simple de travailler sur de l'humain, les parcours sont parfois complexes ; et actuellement, les personnes accompagnées ne vont pas bien et les écrans entre nous, n’arrangent pas les choses ! On s’adapte en animant des formations et des ateliers en visioconférence, cela ne remplace pas le présentiel, mais ça permet de rester active et de transmettre quand même des messages positifs. Les questions que l’on se posait au sujet du masque ou de la visière, il y a six mois, sont devenues hors de propos ! L’essentiel maintenant est de revenir au présentiel et de porter à nouveau, nos vraies lunettes sur le monde. Dans tous les cas, cette période apportera une modification importante du rapport à l'autre.
Cette période aura-t-elle finalement été pour vous une ouverture sur de nouvelles perspectives ?
Magali Guirriec - Elle m'a d'abord permis de me rassurer sur ma maîtrise des outils numériques dont je me sers bien sûr, mais vers lesquels je ne vais pas spontanément. Il a fallu que je m'y mette, que j'approfondisse mes connaissances de certaines applications ; j'ai pu développer de nouveaux apprentissages.
Et surtout, je me suis passionnée pour la santé psychologique au travail et j'ai découvert que j'étais capable d'aborder aussi cette question avec une approche un peu ludique comme je le fais sur les autres sujets. Ça m'a permis de retourner vers mes client-es pour leur proposer un nouveau type d'accompagnement et de prendre le temps sur des activités de développement pour le futur de YENEA, comme la création du site.
Ce que j'en retire de positif c'est que mes différentes expériences professionnelles, parfois douloureuses, et notamment les trois licenciements économiques que j'ai pu vivre, m'ont renforcée. Ce sont des deuils qui donnent confiance et accentuent la capacité à rebondir. Par ailleurs, j'ai apprécié l'attitude de certaines personnes de mon entourage qui m'ont appelée régulièrement. C'est ce qui m'a fait tenir, en plus de ma promenade quotidienne ! Je n'ai jamais autant admiré les fleurs de mon jardin ni les couchers de soleil ! Pour moi, ces confinements resteront un chapitre important de ma vie, je continuerais à aider les autres à transformer cette période en source d’inspiration et de rebond vers l’aventure de la leur.
Le temps nous aidera, non pas à oublier mais à vivre avec...
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